C’est une histoire vieille de vingt ans déjà, mais c’est aussi l’un des souvenirs de ma vie de pigiste dont je suis le plus fier. En 2004, je publiais une longue enquête sur les réfugiés espagnols internés en 1939 en Normandie.
En 2004, je suis l’un des collaborateurs réguliers du magazine trimestriel Au fil de la Normandie, qui deviendra ensuite My Normandie. J’y tiens la rubrique « Portraits » tout en publiant également reportages et dossiers de fond.
Un soir, je reçois un appel de mon frère, enseignant d’histoire (et depuis auteur d’une Histoire de la Normandie aux éditions Gisserot) : « tu savais qu’en 1939, il y avait des camps de concentration en Normandie, pour les réfugiés espagnols ? Je viens de rencontrer l’un de ces réfugiés qui a été interné au camp d’Arromanches. Il est prêt à témoigner, si le sujet t’intéresse ! »
Comme tout le monde, je connais vaguement l’histoire des camps d’Argelès, de Saint-Cyprien ou de Ribécourt. Mais des camps en Normandie ? À Arromanches ? Dans cette ville devenue en 1944 le symbole du Débarquement et de la bataille pour la Liberté ? Incroyable ! D’ailleurs, vérification faite, on n’en trouve pas la plus petite mention dans la volumineuse Histoire d’Arromanches, alors vendue à la mairie (deux tomes de 450 pages chacun ; plus de trois kilos de papier, tout de même…)
L’enquête prendra des mois. Car s’il est relativement facile d’établir et de vérifier les faits (notamment grâce à la presse locale de l’époque, conservée aux Archives départementales du Calvados), dénicher des témoins encore en vie est beaucoup plus épineux ! À force de ténacité, je finis pourtant par rencontrer trois personnes prêtes à raconter leur enfermement au camp d’Arromanches : Laurent Fernandez, Augustin Munoz et Adelina Castel. Et cette dernière (qui n’est autre que la grand-mère d’un de mes meilleurs copains d’adolescence !) terminera l’entretien par un soupir que je n’oublierai jamais : « Dire que ça fait soixante ans que j’attendais que quelqu’un vienne me poser ces questions… »
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