Ma charte d’utilisation de l’IA générative

Pourquoi cette charte ?

L’IA géné­ra­tive s’impose désor­mais dans nos métiers et je ne peux l’ignorer, ni dans mes acti­vi­tés de copy­wri­ting et de conseil édi­to­rial – où elle en train de trans­for­mer les pra­tiques -, ni dans mes mis­sions de for­ma­teur à Bruxelles et ailleurs – où mon rôle d’observateur cri­tique du numé­rique m’oblige à la prendre en considération. 

Je refuse tou­te­fois de l’en­vi­sa­ger comme une inof­fen­sive « opti­mi­sa­tion pro­duc­tive ». À mes yeux, cette tech­no­lo­gie est avant tout le bras armé d’un pro­jet de pré­da­tion éco­no­mique, sociale et envi­ron­ne­men­tale. Les consé­quences sont déjà visibles : stan­dar­di­sa­tion des conte­nus, pré­ca­ri­sa­tion d’un nombre crois­sant de sec­teurs pro­fes­sion­nels, pillage de la pro­prié­té intel­lec­tuelle, gouffre éner­gé­tique et sac­cage envi­ron­ne­men­tal. Sans par­ler des enjeux poli­tiques et stra­té­giques, ni de l’im­pact sur la san­té cog­ni­tive et psy­cho-affec­tive des per­sonnes qui l’utilisent.

Face à ce rou­leau com­pres­seur, une ques­tion s’im­pose : jus­qu’où puis-je uti­li­ser ces outils sans déro­ger à mes valeurs ? Cette charte se veut la for­ma­li­sa­tion de ma réponse. 

Mes principes

L’hu­main d’a­bord. J’u­ti­lise ponc­tuel­le­ment l’IA lorsque je sou­haite mon­ter en com­pé­tence dans des domaines exté­rieurs à mon cœur de métier (HTML, Twine, H5P…), pour poser les bases d’une réflexion (bran­ding, conseil édi­to­rial, for­ma­tion), pour struc­tu­rer un brouillon ou pour auto­ma­ti­ser des tâches répé­ti­tives. Je ne m’en sers pas pour créer à ma place. Chaque conte­nu que je livre porte ma signa­ture et ma responsabilité.

Pour pen­ser mes pro­jets Bruxelles Vor­tex et Car­tO­dys­sée, l’IA géné­ra­tive m’a per­mis de pro­duire des visuels et un voi­ceo­ver que je n’aurais pas pu finan­cer. Tou­te­fois, si ces acti­vi­tés se déve­loppent comme je le sou­haite et me per­mettent de déga­ger une rému­né­ra­tion, je m’en­gage à y inclure dès que pos­sible des col­la­bo­ra­tions avec des gra­phistes, illustrateurs·trices, traducteurs·trices et comédien·nes humain·es.

Contre la stan­dar­di­sa­tion. En repro­dui­sant les pat­terns qu’elle a digé­rés, l’IA géné­ra­tive pro­duit des conte­nus dépour­vus de la moindre ori­gi­na­li­té. Or mes acti­vi­tés pro­fes­sion­nelles visent pré­ci­sé­ment l’in­verse : révé­ler la sin­gu­la­ri­té d’une orga­ni­sa­tion lorsque je suis com­mu­ni­cant, encou­ra­ger la curio­si­té et l’affirmation de soi quand je suis for­ma­teur. Je refuse la stan­dar­di­sa­tion et ne publie jamais un conte­nu pro­duit par IA sans l’avoir ques­tion­né, retra­vaillé, enri­chi, remo­de­lé… ou supprimé.

Mes engagements

Véri­fi­ca­tion sys­té­ma­tique. La véri­fi­ca­tion sys­té­ma­tique des infor­ma­tions et des sources est au cœur de ma for­ma­tion dans la presse écrite et de mes ensei­gne­ments de for­ma­teur. Je redouble d’efforts avec l’IA géné­ra­tive et ses pré­ten­dues « hal­lu­ci­na­tions » – un terme que je conteste, car il sug­gère de façon men­son­gère que la machine pour­rait être en proie à des vul­né­ra­bi­li­tés bien humaines.

Vigi­lance sur les biais. L’IA ampli­fie les biais de genre, de classe sociale, de culture… Elle pro­page les sté­réo­types et contri­bue à invi­si­bi­li­ser les per­sonnes dis­cri­mi­nées. Comme tout être humain, je ne suis pas à l’a­bri de ces biais. Mais j’ai la res­pon­sa­bi­li­té de m’attacher à les décons­truire. C’est pour­quoi je redouble de vigi­lance à ce sujet si j’utilise une IA générative.

Pro­tec­tion des don­nées. Je ne trans­mets aucune infor­ma­tion confi­den­tielle à une IA géné­ra­tive. Je choi­sis mes outils selon leur niveau de sécu­ri­té et leur res­pect de la vie pri­vée, en pré­fé­rant les solu­tions héber­gées sur des ser­veurs euro­péens et, autant que pos­sible, les outils open source.

Res­pect de la pro­prié­té intel­lec­tuelle. Je res­pecte la pro­prié­té intel­lec­tuelle des créateurs·trices et je boy­cotte les outils qui ont été entraî­nés de façon dou­teuse sur des œuvres protégées.

Conscience des impacts. Sou­cieux du coût envi­ron­ne­men­tal et cli­ma­tique de chaque requête à l’IA, je m’interroge sys­té­ma­ti­que­ment sur la néces­si­té de mes usages. Je donne la pré­fé­rence aux modèles les plus légers et ne fais pas appel à l’IA lorsque je peux accé­der autre­ment aux infor­ma­tions que je cherche (en inter­ro­geant un moteur de recherche, par exemple). Pour résu­mer en filant une méta­phore enten­due lors d’une for­ma­tion que je don­nais dans une ONG, je n’utilise pas un héli­co­ptère pour aller à la bou­lan­ge­rie du coin.

Trans­pa­rence. Pour chaque dos­sier, je suis en mesure d’expliquer pré­ci­sé­ment si j’ai ou non uti­li­sé une IA dans le pro­ces­sus de pro­duc­tion du livrable, et le cas échéant pour quel motif et avec quel résultat. 

Refus du dum­ping. Je ne brade pas mes tarifs sous pré­texte que « l’IA pour­rait le faire ». D’ailleurs, elle ne le peut pas. Le jour où elle aura mon « grain » d’écriture, mon expé­rience et ma com­pré­hen­sion des enjeux de mes clients, je révi­se­rai ce para­graphe et m’en irai consa­crer mes jour­nées à la lec­ture et la ran­don­née. En atten­dant, je ne suis pas et ne serai jamais « opé­ra­teur en IA ».

Mon crible de décision : l’outil « GIVE »

Pour gui­der mes choix, j’utilise le crible GIVE que j’ai déve­lop­pé pour ma for­ma­tion IA géné­ra­tive : et main­te­nant, on fait quoi ? :

  • Gain : Quel béné­fice réel vais-je tirer de cet usage ?
  • Impact : Quelles consé­quences sociales, éco­lo­giques, économiques ?
  • Vigi­lance : Que suis-je en train de perdre ou de transférer ?
  • Ethique : Est-ce cohé­rent avec mes valeurs ?

Révision et évaluation permanentes

Entre fin 2022 et début 2025, l’IA s’est infil­trée dans tous nos usages numé­riques : moteurs de recherche, navi­ga­teurs inter­net, appli­ca­tions de mes­sa­ge­rie, suites bureau­tiques… J’estime que ce déve­lop­pe­ment à marche for­cée d’une tech­no­lo­gie qui entend modi­fier pro­fon­dé­ment nos quo­ti­diens et nos socié­tés ne nous laisse pas le temps de prendre un recul pour­tant cru­cial. C’est pour­quoi je m’engage à révi­ser annuel­le­ment la pré­sente charte, tou­jours dans un sou­ci envi­ron­ne­men­tal, humain, et de contrôle des usages et des don­nées. Je m’en­gage éga­le­ment à éva­luer régu­liè­re­ment mon ali­gne­ment avec cette charte.

En conclusion

Ce docu­ment n’en­tend pas être un modèle, seule­ment la for­ma­li­sa­tion de mes usages à un ins­tant T. Mais il se veut aus­si une invi­ta­tion au dia­logue et à l’é­change. En effet, je suis convain­cu qu’il appar­tient à chaque orga­ni­sa­tion de construire son propre cadre, selon ses enjeux, ses valeurs, ses publics — et c’est pré­ci­sé­ment l’accompagnement que je pro­pose dans mes for­ma­tions et mis­sions de conseil.

Arno Maneu­vrier – Babe­leur – mai 2025.