Avec près de 90 millions de vues en un temps record, le hashtag #DopamineDetox cartonne ces jours-ci sur TikTok. La promesse ? Il suffirait de renoncer aux écrans et aux autres plaisirs « coupables » (malbouffe, porno, etc.) pour « réinitialiser » son cerveau et retrouver son attention… Ben voyons ! « Désactiver » une fonction essentielle de notre cerveau, en voilà une idée ! Et si on décortiquait tout cela ?
Il y a une petite dizaine d’années, une mini-websérie d’Arte intitulée Dopamine faisait un carton dans les milieux de l’éducation aux écrans. Des épisodes courts, un montage nerveux, un humour cinglant : tout y était. Et j’avoue les avoir un peu usées jusqu’à la corde dans mes ateliers et formations, ces petites vidéos rigolotes. Car elles expliquaient en peu de mots l’un des aspects les plus machiavéliques de la captologie : la manipulation du « circuit de la récompense » pour nous rendre accros aux applis et réseaux sociaux.
L’ennui, c’est qu’en mettant le focus sur ce seul levier, on a laissé beaucoup de gens s’imaginer que la dopamine était la responsable de tous leurs maux. Et que pour retrouver sa concentration, il suffirait d’une cure miracle : la dopamine-detox. Une tendance populaire sur TikTok qui invite à se couper d’internet et d’autres activités « dopaminergiques » pour « réinitialiser son cerveau ». Si seulement les choses étaient aussi simples !…
Ne tirons pas sur le messager
D’abord, vouloir « se priver de dopamine » parce qu’on abuse des écrans n’a pas plus de sens que si l’on prétendait « éliminer la ghréline » (l’hormone de la faim) pour maigrir. La dopamine est essentielle à notre survie. C’est un neurotansmetteur, un messager chimique qui joue un rôle clé dans nos comportements.
Le circuit de la récompense : notre GPS interne
La dopamine intervient pour renforcer nos comportements, chaque fois que nous faisons une action bénéfique pour notre survie (manger, socialiser, bouger). Elle ne se contente pas de « récompenser » après coup : elle agit aussi en amont, en créant de la motivation. Par exemple, si je rédige cet article à l’aube, ce n’est pas par plaisir immédiat, mais parce que mon cerveau anticipe la satisfaction que j’éprouverai quand j’aurai terminé ma tâche.
Un rôle clé dans la concentration et l’apprentissage
La dopamine est également indispensable à l’attention et à la mémorisation. Souvenez-vous de vos années d’école : les sujets qui vous passionnaient étaient les plus faciles à mémoriser, car ils activaient ce fameux circuit, contrairement à Thalès ou Pythagore (sauf si votre truc à vous, c’étaient les maths — je ne vous juge pas, on a le droit d’avoir des goûts bizarres.)
Une faille, mais aussi un allié précieux
Comme le sucre pour l’industrie agroalimentaire, la dopamine est une carte maîtresse des géants de la tech. En suractivant sa libération par le cerveau, leurs applis perturbent notre équilibre interne et créent une forme d’accoutumance. Pour avoir la même dose de plaisir, il faut alors consommer toujours plus : scroller plus longtemps, binge-watcher encore plus d’épisodes de notre série préférée… La dopamine est la faille grâce à laquelle les spécialistes de captologie peuvent hacker nos cerveaux. Mais ce n’est pas parce que certains détournent cet allié précieux qu’il faut s’en débarrasser !
Pourquoi la détox promise ne fonctionne pas
L’idée d’une « cure » pour réinitialiser son cerveau repose sur une mauvaise compréhension de la biologie. La dopamine n’est pas une toxine qu’il faudrait éliminer, mais un mécanisme qu’il faut comprendre. Bien sûr, une pause numérique peut avoir des bienfaits (réduction des distractions, reconnexion avec soi-même), mais elle ne « réinitialise » rien. Quant à l’idée même de privation, si c’était une bonne idée, personne n’aurait jamais de difficulté à perdre du poids ou à sortir d’une addiction. Au contraire, on sait bien que la phrase « demain, j’arrête » n’a jamais été une formule magique. C’est en prenant soin de soi qu’on peut changer durablement nos habitudes. Pas en s’ajoutant une nouvelle dose d’injonctions, de frustration et de stress.
Comment reprendre le contrôle ?
Pas de privation ni de « cure » magique, dans ma formation Focus, mais 4 objectifs clairs qui permettent de retrouver vraiment son temps et son attention :
- 1 – Identifier nos « déclencheurs » — un concept clé en captologie.
- 2 – Libérer la charge mentale, en prenant soin de ce que j’appelle nos temps essentiels — ceux qu’il est crucial de préserver des notifications invasives et des déverrouillages compulsifs ;
- 3 – S’approprier les outils qui permettent d’être réellement à ce que nous faisons. Il ne s’agit pas seulement de meilleure concentration au travail mais surtout de meilleure qualité de vie, grâce à une attention mieux portée à nos moments bienfaisants.
- 4 – Vérifier et ajuster les changements pour renforcer les bonnes habitudes. Grâce à devinez qui ? Eh oui ! Cette bonne vieille dopamine…
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