La surcharge attentionnelle, ce mal invisible qui nous éloigne de l'essentiel

11/01/2025

Invisible mais omniprésente, la surcharge attentionnelle grignote notre concentration, affecte nos relations et sape notre bien-être. Pourtant, nous ne réalisons son impact qu’une fois le point de rupture atteint. Retour sur le jour où j’ai découvert que moi aussi, j’en étais la victime, et sur la nécessité de reprendre le contrôle.

C’était il y a un an, au tout début de l’année 2024. Ce jour-là, je devais fignoler un script de motion design et conclure un dossier de préconisation en conseil éditorial. Deux activités que j’adore et pour lesquelles je suis habituellement dans ma zone de confort. Mais ce jour-là, rien n’avançait. Mon esprit bloquait complètement. Impossible de structurer mes idées ou de rédiger une phrase qui tienne la route. J’ai fini par lâcher l’affaire en ouvrant un roman de Paul Auster : si j’envoyais mon cerveau s’oxygéner quelques minutes dans le Brooklyn des années 1990, il allait peut-être respirer un peu et retrouver son efficacité ? Pourtant, là non plus, rien à faire. Les mots glissaient sur la page sans parvenir à retenir mon attention.

J’étais en « freeze ». Paralysé. Comme si mon cerveau avait atteint un point de saturation complet. J’étais en état de surcharge attentionnelle. Un danger invisible qui s’installe en silence

Illustration

Le problème avec la surcharge attentionnelle, c’est qu’on ne la voit pas arriver. Car elle est indolore, ne fait aucun bruit, et les personnes qui en souffrent n’en ont pas conscience. Elle s’installe doucement. Comme si vous étiez dans une pièce dont la lumière faiblit un peu plus chaque jour, sans que vous le remarquiez. Jusqu’au point de rupture, comme ce jour de 2024 où j’ai bien été obligé de constater que quelque chose ne tournait pas rond.

Heureusement pour moi, j’étais aussi en train de structurer ma formation "Focus", à cette époque-là. C’était l’occasion de tester sur moi-même les recommandations de la dernière séquence : pas d’écran tôt le matin ni en fin de journée, des moments préservés sans notifications, et des stratégies pour aménager des moments de "deep working". Résultat ? C’est comme si je venais de nettoyer mes lunettes après les avoir portées sales pendant des mois. En quelques jours, mon sommeil s’est allongé de 30 à 40 minutes par nuit et la montre connectée que je portais encore au poignet (!) m’a annoncé que mon niveau de stress avait drastiquement baissé. Je n'en avais évidemment pas pris conscience, tant tout ça s'installe insidieusement.

Un impact profond sur la vie professionnelle et personnelle

Les conséquences de la surcharge attentionnelle affectent chaque aspect de notre vie.

Dans le cadre professionnel, elle fragmente notre concentration, allonge nos délais de travail et réduit notre productivité. Nous nous retrouvons à jongler entre tâches, emails, et réunions avec la sensation de ne jamais avancer. Ça engendre un stress permanent, qui, à long terme, peut conduire à l’épuisement professionnel.

Dans la vie personnelle, elle nous éloigne des moments essentiels. Ces instants de qualité avec nos proches ou avec les activités qui nous enchantaient disparaissent dans un flot d’interruptions numériques. Ce n’est pas un hasard si de nombreux couples décrivent un sentiment de déconnexion émotionnelle, même lorsqu’ils partagent physiquement le même espace.

Enfin, la santé mentale et physique est directement touchée. Augmentation du stress chronique, troubles du sommeil et même problèmes cardiovasculaires... Le cerveau, constamment en état d’alerte, finit par craquer. Et lorsque ce point de rupture est atteint, la reconstruction est longue.

Alors, qu'est-ce qu'on fait ?

La première étape essentielle, c’est de prendre conscience qu'on ne va pas très bien. Reconnaître ce poids invisible, comprendre ses mécanismes et ses impacts, c’est déjà reprendre un peu de contrôle.

Dans la formation Focus que j'anime pour le secteur non marchand, je propose des outils pratiques pour retrouver du temps, de la concentration et surtout se fabriquer de nouvelles habitudes. Car c'est ça notre faille — et donc la porte d'entrée de toutes ces applications qui dévorent notre tenps —, notre talon d'Achille : nos habitudes. La grande spécialité de BJ Fogg, l'universitaire de Stanford qui a enseigné aux entreprises de la big tech comment hacker nos cerveaux.

Et vous, combien de fois par jour sentez-vous votre esprit tiré dans toutes les directions ? Il est peut-être temps de faire le premier pas pour retrouver l’essentiel avant que la surcharge ne devienne insupportable.